Chantal LANVIN - Les
théâtres de la vie
"Etrange
Chantal Lanvin : un univers de poupées, mimant les sentiments humains. Un
éternel Carnaval pareil à celui, qui dans la Venise du XVIIIe siècle, durait
presque toute l'année...
Chantal Lanvin par
la constance de sa vision maintenue jusqu'au bout dans une stricte unité de
mystère, descend de la Commedia dell'Arte italienne et de Watteau, reine de
mélancolie tissant sa cantilène d'un personnage à l'autre.
Poupées et jouets
jouant leur comédie, comme dans "L'enfant et les sortilèges" de
Ravel. En dehors de toute intervention humaine de toute présence de chair. Ici,
tout est chiffon, bois, verre, porcelaine, peluche, papier ou soie. Jamais une
goutte de sang ou de salive, rien qui rappelle la violence et les humeurs.
Poupées et objets
nous ont échappé à jamais. Nous n'étions pas dignes de leur pudeur. Nos bruits,
nos pas, nos voix les offusquent. Ils se sont réfugiés dans le silence ou dans
des tintements de boîtes à musique.
Pourtant eux
aussi ont leurs passions, calquées sur les nôtres, mais à demi rêvées
saccadées, comme suspendues à un fil.
"Justine"
gonflée de soie sauvage, dont l'âme enfantine s'envole dans un ballon, symbole
de l'amitié et de la fragilité de la vie.
"La Poupée
rêveuse", l'ondine du sommeil surgissant des vagues d'un océan de draps.
Aux grands
siècles, la conversation était l'art suprême des français. Tels sont sur
"L'Etagère", les propos qu'échangent une tasse de porcelaine avec un
petite marin bleu, tandis qu'une carte postale, représentant une fileuse du
peintre aquitain Crochepierre, fait vibrer l'accent de Villeneuve-sur-Lot.
Ballet immémorial
où le temps se suspend sur un pied entre le silence et des rêves d'enfant que
la vie ne parviendra jamais à combler."
Paul Guth, 1980, Paris