Annie RAVEAU-PINON
« France »
Les artistes sont comme les
chercheurs ; ils procèdent par étape et tirent profit de leur expérience
antérieure pour enrichir leur production immédiate. Recherches de formes autant
que de couleurs, mais non de graphisme ; chez les Figuratifs, c’est la
constante, visible ou discrète, qui sous-tend l’œuvre.
Annie Raveau n’échappe pas à cette
constatation. On lui a connu une période « froide » - dans les bleus
nuits, les violines et toute la gamme des noirs - , une période réchauffée où les
ocres et les ors, les verts et les carmins dominaient. Elle aborde depuis
quelques années une ère de synthèse qui fait alliance avec ses orientations
passées. Si elle a rejeté le côté ténébreux, angoissant pour certains, qui
faisaient pression – volontaire ou non – sur la perception visuelle, elle n’a
pas renoncé pour autant à ses thèmes de prédilections : les paysages
ruiniformes, les références mythologiques, voire emblématiques de ses
compositions.
Sa vision de l’être humain n’a pu
s’adoucir : trop d’horreurs, de cruauté nous entourent, pour qu’un peintre
conscient tel qu’Annie Raveau, se complaise à représenter des scènes
lénifiantes, totalement étrangères à notre société contemporaine. La beauté
antique prévaut dans ces toiles : les temples grecs, les colonnes doriques
ou ioniques sont souvent représentés, mais les tours en béton le sont aussi,
plus dégradées souvent que les piliers gréco-romains. Le thème de l’escalier
est presque un leitmotiv dans cette production s’il ne descend pas en enfer, au
moins n’accède-t-il pas à l’empyrée.
L’homme, si souvent accablé dans les
étapes précédentes, a aujourd’hui disparu. La vie n’est pas absente
cependant : la végétation s’insère dans les plaques pierreuses et les
interstices des monuments délabrés. Plus récemment le cheval a fait son
apparition dans ce monde désenchanté et cherche à rompre l’insupportable
isolement – chevaux d’Apollon ici, cariatides là, il symbolise autant l’évasion
onirique qu’il manifeste sa puissance et sa grâce. Un temps viendra où Annie
Raveau rendra à l’humanité la place que, pour le moment, elle lui refuse :
ce sera quand la face humaine ne sera plus insultée.
Bertrand
DUPLESSIS